La parole fut parfois dure, souvent chaleureuse, toujours franche. C’est ce vendredi soir, dans le grand amphithéâtre de la Gaillette que Gervais Martel, accompagné du coach, Francis Gillot, de son adjoint Jean-Pierre Lauricella et de son capitaine Seydou Keita, et avec l'aide de Dominique Regia Corte, avait donné rendez-vous aux responsables des sections de supporters pour une explication que tous attendaient autour de sujets qui fâchent. Un débat qui pouvait en effet se résumer en deux thèmes heurtant la sensibilité des fans sang et or, et touchant tous deux au voisin lillois : la triste prestation lensoise lors du derby et la venue du LOSC à Bollaert à l’occasion de la Ligue des champions.
Entre nous soit dit...
Par Christophe Delattre 19/08/06
La parole fut parfois dure, souvent chaleureuse, toujours franche. C’est ce vendredi soir, dans le grand amphithéâtre de la Gaillette que Gervais Martel, accompagné du coach, Francis Gillot, de son adjoint Jean-Pierre Lauricella et de son capitaine Seydou Keita, et avec l'aide de Dominique Regia Corte, avait donné rendez-vous aux responsables des sections de supporters pour une explication que tous attendaient autour de sujets qui fâchent. Un débat qui pouvait en effet se résumer en deux thèmes heurtant la sensibilité des fans sang et or, et touchant tous deux au voisin lillois : la triste prestation lensoise lors du derby et la venue du LOSC à Bollaert à l’occasion de la Ligue des champions.
Un vendredi soir à la Gaillette
Cinq jours après l’affront fait aux supporters lensois lors d’un match où non seulement le résultat, mais plus encore la manière choqua les amoureux du Racing, Gervais Martel exprima toute la honte et la colère que lui avait inspirée cette rencontre : « Ce qui s’est passé dimanche, c’est un truc extrêmement grave !… » Et d’insister : « L’important, c’est que les joueurs se comportent en hommes. Et s’ils n’ont pas d’envie sur le terrain , s’ils n’ont pas compris ce que l’on attendait d’eux, ils faut qu’ils aillent à l’ANPE ! » Autant de messages qui passèrent d’ailleurs, le soir même de la rencontre, par les oreilles des dits joueurs.
La parole était bien sûr donnée à Francis Gillot qui avouait « être tombé de haut » devant le peu d’envie exprimé sur la pelouse de Villeneuve d’Ascq par la plupart de ses joueurs alors qu’ils en avaient fait preuve une semaine auparavant face à Troyes, et ce même si le jeu n’avait pas été des plus brillants. « C’est sans doute une équipe qui manque de caractère, même si tout n’est pas négatif, insiste l’entraîneur. La preuve en est qu’ils ont su relever la tête en fin de saison pour terminer quatrième. Un tel résultat face à Lille est bien sûr alarmant mais il ne s’agit encore que de la seconde journée de championnat. » Et de stigmatiser ce trait de notre société : « Ce manque d’envie, c’est la société d’aujourd’hui. On retrouve cela dans le football, chez les pros comme chez les jeunes. C’est vraiment ce qui ressort des discussions que l’on peut avoir avec les entraîneurs d’autres clubs. Tous le font remarquer. » Puis s’appuyant sur l’exemple de Lyon, Bordeaux ou Lille : « Au delà des qualités individuelles, la force de ces équipes, c’est que, quels que soient leurs adversaires, elle jouent toujours avec la même envie. C’est cela que je voudrais inculquer à mes joueurs ! »
Francis Gillot revenait ensuite plus en détails sur le derby, condamnant amèrement le manque de respect des consignes d’avant-match, avec, par exemple, le fait que ses défenseurs latéraux – notamment le jeune Marco Ramos – aient été abandonnés à leur sort, sans le moindre pressing, le moindre repli défensif des attaquants, ce qui le faisait regretter de n’avoir pu procéder qu’à deux changements à la mi-temps. Inutile de préciser que le coach attend, ce samedi, un rachat de ses troupes, ce qui ne l’empêche pas de tirer d’ores et déjà les enseignements du non-match de certains éléments, et ce notamment dans la composition de son onze de départ.
Toute aussi attendue fut l’intervention d’un Seydou Keita, digne de sa stature de capitaine, et débutant par un mea culpa : « Personnellement, j’ai honte de moi. Je n’aime pas perdre, mais surtout, je n’aime pas avoir honte. Et c’est la cas. », avant d’expliquer : « Ne croyez pas que les joueurs n’en ont rien à faire. Le groupe est très affecté. C’est très dur pour nous d’accepter. J’espère vraiment que c’est la dernière fois que cela se produira. […] Les joueurs de Lille étaient eux mêmes étonnés que cela soit si facile pour eux. Samedi, il faut qu’on relève la tête ! » Le moins que l’on puisse dire c’est qu’un vrai courant de sympathie s’instaura, au fil de la discussion, entre l’auditoire et un capitaine prêt à jouer son rôle de courroie de transmission auprès de ses équipiers. Puis entraîneurs et joueur quittèrent la salle – sous les applaudissements ! – avant de rejoindre le reste du groupe « mis au vert » à la veille du match face à Lorient.
Les débats se poursuivirent entre le président et les supporters, notamment quant à la qualité du groupe sur le plan du mental. Gervais Martel, non sans relativiser les carences d’un groupe terminant quatrième du précédent exercice, exprimait la difficulté qu’il y avait à trouver la perle rare au milieu des annonces non fondées concernant des joueurs qui n’étaient même pas sur le marché des transferts, mais laissait néanmoins entendre que la porte n’était pas encore fermée. L’occasion était également ainsi donnée d’expliquer le départ de certains joueurs dont la fibre lensoise était des plus ténues, contrairement, par exemple, à un Seydou Keita dont l’attachement au club prenait le pas sur des opportunités financièrement plus intéressantes. Face à des supporters dénonçant régulièrement le foot business tout en réclamant l’arrivée de joueurs côtés, le président jouait cartes sur tables, mettant, par exemple, en rapport le budget réel du Racing avec la masse salariale d’un club comme Lyon. Autant de facteurs qui, quoi qu’il en soit, n’enrayent en rien sa volonté de continuer à faire grandir ce club et ses infrastructures – et baisser le prix des billets ! – notamment par le biais de ressources extra sportives. Et sur ce plan, le voisin lillois a bien du retard… Vous l’aurez compris : le sujet qui occupa la fin de la soirée fut celui de la venue du LOSC à Bollaert à l’occasion de ses matchs de Ligue des champions.
Si cette venue met en émoi nombre de supporters qui manifesteront à nouveau ce samedi leur désapprobation, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’enchante guère plus l’auteur de la décision. Gervais Martel qui aura jusqu’au dernier moment espéré que son homologue lillois trouve une autre solution ainsi qu’il s’y était engagé bien des mois auparavant, s’est finalement résolu, à l’intersaison, à céder aux suppliques d’un voisin qui s’était vu refuser l’accès aux stades parisiens et pour lequel l’UEFA interdisait d’envisager une solution de l’autre côté de la frontière. Gervais Martel s’est longuement expliqué quant à ce choix dont il revendique la seule paternité : « Ici, au club, personne n’avait envie de ça. Je suis seul à avoir pris cette décision, en mon âme et conscience, et je ne veux donc voir que mon nom sur vos banderoles ! » Il tint également à préciser : « Que les choses soient claires, il ne s’agit pas d’un prêt comme j’ai pu entendre, mais d’une location, et croyez-moi, cela coûte très cher. Mes conditions étaient strictes. Hors de question, par exemple, que le club lillois profite de nos salons pour accueillir ses partenaires. Pas question, non plus, de revoir le stade décoré aux couleurs du LOSC. Ces conditions ont toutes été acceptées par les dirigeants lillois. »
S’il comprend la colère de certains, et partage nombre de leurs sentiments quant à la venue du LOSC à Bollaert, il ne remet nullement en cause sa décision : « Je ne prétends pas avoir toujours raison. Je n’ai sans doute pas toujours fait les bons choix, mais si c’était à refaire, je reprendrai la même décision. Je comprends que cela soit difficile pour certains, notamment en cette année de centenaire, mais justement, ce club centenaire, j’en ai la responsabilité, et je ne peux pas me permettre d’avoir une vision à court terme. Pour la pérennité de ce club, je maintiens que c’était la seule chose à faire. » Et d’expliquer que, non seulement, un refus n’aurait pas été compris par le reste du pays, et aurait durement entamé le capital « sympathie » dont jouit le Racing et son public, mais surtout n’aurait pas été compris par les collectivités locales qui, par le passé, ont grandement participé à la construction et à la modernisation de ce stade dont profitent en premier lieu les supporters lensois. Des collectivités qui, aujourd’hui, continuent d’apporter leur aide (deux écrans géants seront bientôt installés sans bourse déliée pour le club), et qui, demain, seront indispensables à l’évolution du club sang et or notamment concernant les aménagements autour et au sein du stade afin de profiter de l’ouverture du Louvre II. Nul doute qu’un refus du Racing aurait mis en péril cette relation vitale pour un club qui ne réside pas au sein d’une cité de plusieurs centaines de milliers d’habitants. Autant de considérations qui échappent peut-être à certains – c’est ainsi… – mais qui, même si les résultats sportifs devront encore s’améliorer, font que Lens dispose aujourd’hui de bases suffisamment solides pour prétendre à une stature et à un avenir européens… Entre nous soit dit.
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